- Qu'est-ce qu'une langue ?
- Inventaire des langues parlées en France métropolitaine
- Les français régionaux
L'appellation langues de France est bien plus pertinentes que celle de langues régionales pour la raison principale qu'elle n'établit aucune hiérarchie entre le français et les autres lagues parlées sur le territoire "national".
Qu'est ce qu'une langue ?
L'analyse linguistique permet de définir et d'isoler les parlers, les idiomes. Mais elle ne peut par elle-même décider si deux parlers sont deux langues différentes ou deux dialectes d'une seule langue. Seule la conscience que les locuteurs ont de leur propre identité collective permet d'établir cette discrimination. Ainsi, breton KLT (Cornouailles/Kernev-Léon/Leon-Trégor/Treguer) et breton de Vannes ne sont pas plus proches l'un de l'autre que ce que le valencien est éloigné du catalan. Et pourtant KLT et vannetais sont perçus comme étant deux formes différentes d'une même réalité, alors que catalan et valencien sont vécus comme étant deux réalités différentes. Il n'existe qu'une seule langue, le breton, et il existe deux langues, le catalan et le valencien. Le nissart n'est donc pas un dialecte provençal, mais une langue à part entière, parce que c'est ainsi que le vivent les Niçois. Quant à la question de l'intercompréhension, c'est un faux problème. Deux locuteurs qui ne peuvent pas communiquer dans leurs parlers respectifs ne diront jamais qu'ils parlent la même langue. Certes, la belle affaire. Mais ce n'est pas parce que deux locuteurs peuvent communiquer que cela fait de leurs parlers respectifs une seule langue. Il faut, pour cela, qu'ils aient conscience de cette identité, sinon, il s'agit bien de deux langues différentes, mais permettant une certaine intercompréhension, qui peut d'ailleurs être fort variable d'un individu à l'autre en fonction notamment de leur niveau respectif de maîtrise et de connaissance linguistique, ou d'une situation à l'autre, il est plus simple de se comprendre pour demander son chemin que pour comparer Socrate et Platon. Un Néerlandais comprendra globalement un Afrikaner parlant afrikaans, et pourra se faire comprendre de lui, mais les deux parlers sont bien deux langues. Il en est de même pour catalan et valencien, provençal et languedocien, etc.
Il ne saurait être question d'autre part de considérer, pour telle ou telle raison, qu'un parler puisse être supérieur à un autre. De même que tous les individus sont égaux en droit et en dignité, toutes les cultures et tous les parlers sont égaux en droit et en dignité. Le français n'est pas supérieur au gascon ou au picard ; qu'il soit parlé pas plus de locuteurs, qu'il ait obtenu politiquement un statut de langue dominante, ne change rien à l'affaire, français, gascon et picard sont égaux en dignité. De même, un parler possédant un système d'écriture ne peut être considéré pour cette raison comme supérieur à un parler n'en possédant pas.
Inventaire des langues parlées en France métropolitaine
Langues romanes
- Idiomes d'oïl : français, picard, normand, gallo, angevin, poitevin-saintongeais, berrichon, bourbonnais, nord-bourguignon, nord franc-comtois, lorrain, champenois
- Idiomes d'oc : limousin, auvergnat, vivarois, provençal, nissart, languedocien, gascon, béarnais
- Idiomes dits "franco-provençaux" (nom peu heureux qui laisse à tort penser qu'il s'agit d'un mélange de langues d'oïl et de langues d'oc, alors qu'il s'agit d'un groupe de parlers autonome et cohérent ayant connu une évolution propre) : forézien, lyonnais, beaujolais, dombiste, bresssan, bugiste, sud-bourguignon, sud franc-comtois, savoyard, nord-dauphinois.
- Idiomes italo-romans : corse, ligure/génois. (Un extrait de texte en ligure de Menton est donné avec des extraits de textes en provençal et en nissart, se reporter à la page consacrée au provençal.)
- Idiome hispanique : catalan. ("Passerelle" entre langues d'oc et langues hispaniques, le catalan est considéré par certains linguistes comme étant une langue d'oc. La famille d'oc s'enrichirait alors de deux langues, catalan et valencien. D'autres considèrent que catalan et valencien forment une famille à part, constatant que ces deux langues possèdent autant de traits les rattachant aux langues d'oc que de traits les rattachant aux langues hispaniques.)
Langues germaniques
- Idiome du domaine bas-allemand : flamand.
- Idiomes du domaine moyen-allemand : francique rhénan, francique mosellan (luxembourgeois).
- Idiomes du domaine allemand-supérieur : idiomes alémaniques : alsacien.
Langues celtiques
- Idiome brittonique : breton
Basque, dont l 'origine n'est toujours pas connue avec certitude. Il ne s'agit pas d'une langue indo-européenne, son fonctionnement est très particulier, et il semble qu'il serait apparenté à des langues d'origine caucasienne.
Les français régionaux
L'extension récente du français à des régions originellement non-francophone a provoqué une forte dialectalisation par imprégnation de celui-là par les différentes langues régionales sur les territoires desquelles il s'est implanté. Il est évident que le français parlé à Nantes n'est pas celui parlé à Marseille (Marsiho en provençal), Limoges (Limoge en limousin) ou Strasbourg (Strossburri en alsacien). Fortement normatif et "académisé", le système officiel ne reconnaît comme correcte qu'une seule norme standarde. Dans les faits, les formes dialectales du français que sont les français régionaux sont autant de normes de communication, et n'ont pas à être considérées comme fautives, contrairement aux prétentions du système officiel.
Le français régional de Provence, désigné ci-après par l'abréviation f.r.p., va nous servir de premier exemple. En voici quelques traits pertinents.
- Le français standard, désigné ci-après par l'abréviation f.s., a perdu toute trace du système tonique du latin, et peut être appelé langue "atonique". Les voyelles finales atones du latin ont donc disparues, ce qui est d'ailleurs le cas pour toutes les langues d'oïl. Les fameux e finaux muets ne sont plus que graphiques. Le latin accentuait soit l'avant-dernière syllabe (mots dits paroxytons), soit l'antépénultième (mots dits proparoxytons). Le provençal ne connaît pas de proparoxytons, contrairement à l'italien ou à l'espagnol, mais alterne paroxytons et oxytons (mots accentués sur la dernière syllabe), ces derniers étant des paroxytons latins ayant perdu leur dernière syllabe : latin amare > provençal eima, latin castellum > provençal castèu. C'est ce que l'italien appelle parole tronche : latin virtutis > italien virtù, provençal vertu, latin civitatis > italien città, provençal ciéuta. Le même phénomène à d'ailleurs pu transformer un proparoxyton latin en paroxyton provençal : latin cognoscere > provençal counouisse, mais italien conoscere. Le f.r.p. suit la même logique, et, comme le provençal, est paroxytonique. Le f.r.p. distinguera ainsi mer de mère, ou le e final est clairement prononcé atone. Un M. Pascal et une Mlle Pascale ne pourront donc pas y être confondus.
- Le f.s. dit "dis-le moi", là où le provençal dit digo-mi vo, comme d'ailleurs l'espagnol dit dímelo ou l'italien dimmelo. Le f.r.p. dit donc "dis-moi le". (Remarquons au passage que le f.s. dit "dis-le moi", mais "dis-moi ça". ) Ce qui est une faute de grammaire en f.s. est la règle en f.r.p.
- La distinction (é)/(è) est pertinente en f.s. où elle peut faire sens : chanter-chanté-(chanté) / chantais-chantait-(chantè). En provençal, la distinction (é)/(è) n'est jamais pertinente, la différence entre les deux sons est minime, et leur répartition dépend strictement de leur place dans le mot et de leur position par rapport à l'accent tonique. Du coup, en f.r.p., chanter-chanté-chantais-chantait se prononcent tous (chanté). De même, le lait (lè) devient (lé), le poulet (poulè) devient (poulé), etc.
- Comme pour l'ouverture ou la fermeture du [e], celle du [o] dépend de sa place par rapport à l'accent tonique. En position paroxytonique, un [o] ne peut en provençal être qu'ouvert. Le f.r.p. suit encore une fois la règle du provençal, et le f.s. rose (rôz) devient en f.r.p., (ròse), le f.s. Saône (sôn) devient (sòne), avec un o ouvert accentué et un e final atone mais clairement prononcé.
- Le provençal ne connaît pas les voyelles nasalisées du f.s. Eventuellement, en fonction de sa position, et notamment en position finale dans un mot, c'est le n qui sera nasalisé. Le f.r.p. suit la même prononciation, en nasalisant les n finaux. C'est ce que les locuteurs de langues d'oïl, qui ne connaissent que les voyelles nasalisées, mais pas les n nasalisés, rendent très mal en rajoutant des g aux mots terminés en n lorsqu'ils tentent de contrefaire la prononciation du f.r.p.
- Le provençal est très présent en f.r.p. par le lexique. Aganter pour f.s. attraper, du provençal aganta, pile pour f.s. évier, du provençal pilo, bouléguer pour f.s. bouger, du provençal boulega, etc. Il est également présent par de nombreuses expressions (maigre comme un stoquefiche, du provençal estocoficho, f.s. stock-fish), éventuellement non traduites, surtout sur le coup d'une émotion : qu'es acò ? (qu'est ce que c'est ? ), taiso-ti ! (tais-toi ! ), e zou, mai ! (intraduisible), etc.
- La façon d'envisager le monde est en f.r.p. plus proche du mode de penser provençal que du mode de pensée f.s. Le provençal personnalise le discours (mi siéu pensa, "je me suis pensé" en f.r.p.), recours massivement au vocabulaire de l'action (plus de verbes concrets que de noms abstraits), présente les choses de façons imagées, vivantes, personnalisées. Quand il pense en f.r.p., le Provençal pense toujours en Provençal.
Prenons un autre exemple, celui du français régional de Lyon.
- Le parler lyonnais possède un pronom personnel c.o.d. neutre, qui n'existe pas en f.s. Le f.s.l. applique la règle grammaticale du lyonnais, et dira donc "je le vois" en parlant de Paul, mais "j'y vois" en parlant de la maison de Paul. Le f.s.l. dit donc couramment "faut que j'y fasse", "j'y sens pas bien", etc.
Et ainsi de suite.