- Langues d'oc ou langue d'oc ?
- Languedocien ou occitan ?
- Le gascon
- Le limousin
- L'auvergnat
- Provençal, Nissart et Vivarois
Langues d'oc ou langue d'oc ?
Les langues d'oc forment-elles une famille de langues, ou ne sont elles qu'une seule langue dont gascon ou provençal ne seraient que des dialectes ? Question très importante qui met en jeu la notion même de langue. Si l'analyse interne, purement linguistique, permet d'isoler et d'identifier les parlers, la discrimination langue/dialectes ne peut être faite qu'en prenant en compte la conscience identitaire des locuteurs. Or, toutes les études socio-liguistiques faites sur le terrain montrent qu'il n'existe aucune identité commune à l'ensemble du territoire concerné, et que tout démontre que provençal, nissart, vivarois, auvergnat, languedocien, gascon et limousin sont dotés de tout l'appareil socio-linguistique les constituant en langues autonomes. Se reporter aux ouvrages de Pierre Bonnaud pour l'auvergnat, aux travaux de Philippe Blanchet pour le provençal (Le provençal, essai de description socio-linguistique, Peeters, 1992, par exemple), etc. Pour une bibliographie complète, cf. notre page ressources.
Les langues d'oc sont, comme toutes les langues romanes, issues de la "dégradation" progressive du latin populaire, "dégradation" qui a suivi des chemins différents selon les populations concernées. Il n'y a donc jamais eu une langue d'oc qui aurait divergé à une époque. Les langues d'oc, comme toutes les langues romanes, répétons-le, sont nées et se sont développées parallèlement les unes aux autres. Un seul exemple. Un des traits phonétiques distinctifs du gascon est la confusion des sons [v] et [b], prononcés indistinctement [b] (le languedocien fait de même, le provençal distingue au contraire les deux sons). Les latins de l'époque classique, parlant de la future Gascogne, et ayant remarqué que [w] (son du français oui, le [v] de va n'existe pas en latin) et [b] étaient prononcés indistinctement [b], disaient "quel heureux pays ou vivre (uiuere -à ne jamais écrire "vivere", les romains ne connaissaient que la lettre u, écrite V en majuscule) et boire (bibere) se disent de la même façon. "
Languedocien ou occitan ?
Un certain nombre de linguistes et d'intellectuels a mis au point, au cours du XXème siècle, une graphie normative standardisée unifiant à l'écrit l'ensemble des formes dialectales du languedocien, là où celle du provençal, par exemple, permet la notation de toutes les variations dialectales. Cette graphie est essentiellement éthymologico-grammaticale, comme celle du français, contrairement aux systèmes utilisés par la quasi-totalité des langues romanes (espagnol, italien, corse, provençal...), qui sont des systèmes phonologiques. Les choix de cette graphie sont basés sur ce que l'on a longtemps cru être la langue littéraire unifiée (koinè) des troubadours, jusqu'à ce que l'on se rendent compte que cette langue unifiée n'a jamais existé. Ce sont les copistes italiens, mélangeant à l'écrit des langues qu'ils ne connaissaient pas, qui ont créé cette pseudo-unification. Il suffit d'ailleurs de lire l'une des très rares copies parvenues jusqu'à nous dans sa graphie d'origine pour retrouver une langue authentique et une graphie plus simple. (O Maria, Deu maire, d'un troubadour limousin anonyme : "O Maria, Deu maire / Deus t'es e fils e paire : / Domna, preja per nos / To fil lo glorios / Eva creet serpen / Un angel resplanden / Per so nos en vai gen : / Deu n'es om veramen." Etc.) Cette norme, développée indépendamment des locuteurs, est aujourd'hui prépondérante en Languedoc. C'est elle que recouvre le vocable occitan. Occitan est donc synonyme de languedocien, avec la nuance (de taille) que occitan désigne la norme écrite standardisée, et languedocien la véritable langue parlée, notablement dialectalisée. Notons qu'il existe une graphie phonologique, minoritaire - où moins visible ? -, utilisée par un certain nombre de scripteurs.
Non contents de standardiser le languedocien, les promoteurs de la norme occitane ont décidé d'annexer l'ensemble des langues d'oc au mépris de la réalité socio-linguistique déjà évoquée, baptisant occitan non seulement le languedocien, mais toutes les langues d'oc réduites à une seule langue. De même, toutes les régions historiques et culturelles que sont la Provence, la Gascogne, etc., ont été transformées en une unique Occitanie, et Provençaux, Gascons, etc., baptisés d'office Occitans. Il faut ici bien rappeler que occitan, Occitanie et Occitans ont été inventés de toute pièce par quelques intellectuels, en laboratoire, sans tenir compte une seule seconde ni de la réalité du terrain, ni de l'histoire de ces différentes régions, ni, tout simplement, de l'avis des populations concernées. Or, jamais un Auvergnat ou un Provençal ne vous dira qu'il se sent Occitan et qu'il parle occitan. Il se dira Provençal parlant provençal, Auvergnat parlant auvergnat, etc. part quelques group(uscul)es militants, Occitanie et occitan sont des notions rejetées par les peuples concernés.
L'aire linguistique du languedocien/occitan déborde du cadre du Languedoc, puisque, remontant le long de la rive nord de la Garonne sous sa forme dialectale guyennaise, il touche presque à l'océan, englobant le nord de l'Aquitaine et le sud du Périgord. Il pénètre également en Auvergne (région d'Aurillac) et en Vivarais (frange occidentale et méridionale). La région de Nimes, en revanche, parle provençal, et l'ouest du Couserans parle gascon.
Le gascon
Le gascon possède des traits bien caractéristiques qui le distinguent phonétiquement et morphologiquement des autres langues d'oc. En voici quelques exemples.
- Latin castellum > provençal castèu, languedocien/occitan castel, gascon castèth. Le -th- marque un t mouillé, son propre au gascon.
- Le gascon connaît le son -ch- du français cheval, son généralement inconnu des langues d'oc. Ce son est noté -ch- ; par opposition le son (tch) sera écrit -tch-.
- Latin filius > provençal fiéu, gascon hilh. Comme en espagnol (hijo), le f initial latin a évolué en h.
- Les finales atones au féminin sont réalisées, selon les dialectes, (é), (eu), (o), voire (a).
- Le gascon utilise des particules énonciatives qu'il est le seul à connaître : que, e, be. "Je suis" se dit que souy, pour siéu en provençal, sono en italien, sò en corse, soy en espagnol, etc. (Souy se prononce en accentuant le ou [u], le tout en une seule émission de voix puisqu'il s'agit d'une diphtongue. On est donc très proche de l'espagnol soy.) La particule e introduit les phrases interrogatives, et la particule be les phrases exclamatives.
La graphie aujourd'hui majoritairement utilisée - ou, plutôt, utilisée de manière plus visible - pour transcrire le gascon est une adaptation à son phonétisme particulier de la graphie occitane. Mais une autre graphie, plus ancienne et toujours utilisée, existe. Cette graphie a été popularisée par l'Escole Gastoû Febus, et par les dictionnaires de Simin Palay. Phonologique, elle est le résultat de l'harmonisation et de la régularisation des usages traditionnels des scripteurs gascophones. C'est cette graphie qui est l'authentique graphie gasconne. Elle comporte quelques particularités, parmi lesquelles on peut relever les suivantes.
- Utilisation, comme en espagnol, du -y- pour noter le yod : gascon pescàyre contre provençal pescaire.
- Nous avons déjà signalé les doubles graphies -ch- et -tch-, ainsi que le -th-.
- Les nasalisations en fin de mot sont notées en portant un ^ sur la voyelle qui précède : lou pâ, Gastoû, Gascoû, etc.
- Les finales atones au féminin sont notées -e.
La stèle implantée en 1913 à Muret/Murét pour commémorer la bataille de septembre 1213 (où les troupes de Pierre II d'Aragon et de Raimond VI de Toulouse furent battues par les croisés venus envahir le Languedoc aux ordres du Vatican d'Innocent III, et où mourut Pierre II) est un exemple de graphie traditionnelle : En coumemouraciou / ded VII centenari / dera batalho / de Muret / ount dab ed arrei / En Peiro / Aragounes, Catalas / Lengadoucias / e Gascous / cayoun pera defenso / deras libertats / ded meidio. Ce texte, gravé en majuscule, ne comporte aucun accent, le voici restitué en graphie E.G.F. : En coumemouracioû deth VII centenàri dera batalhe de Muret, ount dab eth arréy En Pèyre Aragounés, Catalâs, Lengadouciâs e Gascoûs cayoun pera defénse deras libertàts deth mieydie. (En commémoration du VIIème centenaire de la bataille de Muret, où avec le roi seigneur Pierre Aragonais, Catalans, Languedociens et Gascons tombèrent pour la défense du midi.)
L'aire linguistique du Gascon est très nettement limitée par la Garonne, et s'inscrit dans un grand triangle océan-Garonne-Pyrénées. Au sud de cette aire, des Pyrénées à Muret, il déborde légèrement à l'est de la Garonne, et pénètre en Languedoc (partie occidentale du Couserans) et en Catalogne (Val d'Aran).
Le limousin
Le limousin se caractérise notamment par les traits suivants.
- Un vocalisme particulier qui affecte par exemple l'article défini féminin. Au singulier, l'article la est prononcé avec un son beaucoup plus proche d'un o ouvert que du a. Au pluriel, la voyelle devient un a fermé, avec un allongement trace de l'ancien s du pluriel aujourd'hui disparu. Les noms et adjectifs féminins suivent la même logique. Ainsi, le singulier chabro, prononcé (tchabro), avec un a tonique et un o final atone, devient au pluriel (tchabrâ), le o final devenant un a fermé allongé, allongement trace de l'ancien s du pluriel, mais toujours atone. Certaines formes dialectales du limousin déplacent l'accent tonique, et ce a final allongé devient tonique : (tchabrá). Notons au passage que la graphie -ch- marque le son du français atchoum, et non le son du français cheval.
- L'absence de l'article partitif caractéristique des langues d'oc en général. La où le français standard dit "je bois de l'eau", le provençal dit bùvi d'aigo ; le limousin dira beve de l'aigo.
La graphie du limousin est phonologique, avec des choix correspondant à son phonétisme particulier. La graphie occitane y a hélas pénétré, en jouant notamment sur le fait que, prétendument basée sur la koinè des troubadours, qui, rappelons-le, n'a jamais existé, elle met en valeur le passé de la langue limousine, de nombreux troubadours étant en effet originaires du Limousin. Mais cette graphie dénature complètement le limousin ; il est difficile de reconnaître derrière le mot écrit escòla le mot limousin eicolo, prononcé (eycòlo), où ei est une diphtongue accentuée sur le e fermé, où l'avant dernière syllabe (o ouvert) porte l'accent tonique, et ou le o final est atone. (En languedocien/occitan, le mot écrit escòla se prononce (escòlo). La graphie occitane correspond donc au languedocien/occitan, pas aux autres langues d'oc. Graphie quand même curieuse : pourquoi diable écrire un a quand on prononce (o) ? )
L'aire linguistique du limousin englobe tout le Limousin et la moitié nord du Périgord. Une frange ouest de l'Angoumois, région dont la quasi-totalité appartient au domaine du poitevin-saintongeais, parle également en limousin.
L'auvergnat
L'auvergnat est généralement considérée comme faisant partie des langues d'oc. Cependant, une conscience identitaire forte et particulière tend à détacher les Auvergnats de l'ensemble d'oc, et à faire considérer par certains la langue auvergnate comme étant en marge des langues d'oc, à mi-chemin entre langues d'oc et langues franco-provençales, sentiment renforcé par l'existence de traits linguistiques bien particuliers.
- Un phonétisme particulier, dû à une faiblesse articulatoire entraînant une prononciation très relâchée. Ainsi la formation du pluriel se fait par la variation du timbre de la voyelle finale : le garsou - leù garsou (le garçon - les garçons), le chapê - leù chapiau (le chapeau - les chapeaux), là rozà - la roza (la rose - les roses).
- Un système de conjugaison qui lui est propre. Le système des désinences est notamment assez différent du système "classique" des langues d'oc.
La graphie de l'auvergnat, phonologique, simple et rigoureuse, lui est parfaitement adaptée. Les conventions choisies l'éloigne des graphies du provençal, du gascon ou du limousin. Par exemple -où-, -eù-, pour les diphtongues descendantes (le -ù- est donc atone), -à- pour noter un son intermédiaire entre a fermé et o ouvert, -â-, -ê-, -ô-, pour noter des voyelles finales toniques, etc.
L'aire linguistique de l'auvergnat englobe toute l'Auvergne sauf la région d'Aurillac qui parle languedocien/occitan, le Velay, et une frange occidentale du Vivarais.
Provençal, Nissart et Vivarois
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